Les levers à 6 h pour être au labo à 7 h et attendre avec d’autres compagnes d’infertilité d’infortune.
Les RDV avec la gynéco et la question lancinante : en me voyant, elle pense aux prochaines vacances que je vais contribuer à lui payer ou à mes ovaires ?
La succession d’infirmières à domicile, dont on ne se souvient pas du nom et pas exactement du prénom, il y a juste celles qui savent piquer et les autres.
Les mensonges, les réponses évasives, sur ces congés pris sur le fil, sur ces invitations refusées à la dernière minute.
Les marques sur les bras, sur le ventre. Une chance que cela se déroule l’hiver pour n’avoir pas à justifier des manches longues.
Les seins lourds et douloureux, le ventre ballonné et tendu, l’impression que si on appuie trop fort dessus, il va se briser en mille morceaux.
Les nuits sans sommeil, à se demander ça et puis ça et encore ça…
Certaines relations qui se ternissent un peu, parce que la fatigue, parce que la lassitude, parce que le doute, parce que la peur.
Les remarques : « L’infertile dans le couple, c’est qui ? » (réponse : le poisson rouge connard), « Tu sais, élever les enfants, c’est du boulot aussi » (nan ?!!!! sans déconner !!!).
Les questions lourdes « Ça fait mal, non ?? C’est fatigant ? Ça se passe comment ? Tu sais je me rends pas compte » (bah essayes pour voir).
Le regard embarrassé de la maman de la dame qui pense qu’elle ne sera jamais grand-mère, le réconfort maladroit de la maman du monsieur qui a déjà deux magnifiques petits enfants.
La réunion où il n’y a que des femmes et où pour clôturer le sujet du jour, on érige un « on est entre femmes, entre mères ici ». Avoir envie de prendre ses affaires et de les foutre à la gueule de cette pauvre naze et réprimer une profonde envie de pleurer.
Le silence des copines qui sont mamans et qui secrètement se bénissent de n’avoir pas à supporter tout ça, la distance respectueuse des autres, la distance gênée des dernières qui ne savent pas quoi faire de ce « malheur » .
La FIV, ce moment hors du temps, avec la salle d’attente au milieu de la maternité… avec des parents. Ceux prêts à avoir un enfant, ceux qui viennent d’en avoir un. Et nous.
La salle de repos commune, 5 couples qui attendent les résultats au réveil, un peu comme les résultats du Bac, qui aura l’excellence ? Pas nous. Les couples qui attendent dans le silence (nous), ceux qui se poilent, ceux qui bavassent à n’en plus finir et les derniers (pathétiques) qui s’engueulent.
L’attente, qui crée de la crispation entre nous, de la tension. Chacun gérant ses angoisses comme il peut, avec qui il est, avec ses armes, ses modestes outils.
L’attente, encore, des résultats sur internet puis pas, puis l’attente DU coup de fil.
LA réponse à encaisser.
La déception, la douleur sourde. Dans le ventre, dans le cœur, au plus profond de l’âme. Les larmes pour laver, pour purifier, pour éteindre les feux nombreux qui attrapent tout l’être.
Les deuils qu’il va falloir faire : celui de la maternité, celui de la famille, celui des rêves. On efface les prénoms choisis depuis plusieurs mois, le nom du parrain et de la marraine, les invités au baptême, la couleur de la chambre, les multiples projections (aura t il les yeux bleus de sa maman, l’humour de son papa, la ténacité de sa grand mère…).
Remercier ceux qui ont été là. Catherine, M et C. L’infirmière de la salle de réveil toujours aussi douce, aussi prévenante et charmante.
Effacer puis tenter d’oublier ou pas.