La parole juste

Au quotidien, j’essaye d’avoir une parole juste. Pour moi, mes interlocuteurs, pour les personnes que j’ai la charge d’accompagner, de près ou de loin.

Cette semaine, ma parole a été volée, sans mon consentement. Transformée, diluée, répandue.

Et, dans certains contextes, une parole transformée, diluée, répandue s’appelle une rumeur. La rumeur qui enfle, à prendre des proportions inconsidérées, portée par des esprits petits et malveillants n’épargne personne.

Alors, à partir de cette semaine et plus que jamais, je vais continuer à pratiquer la parole juste.

Celle qui ne blesse pas, celle qui n’accuse pas sans savoir, celle qui ne juge pas, celle qui ne ment pas. Une parole qui suit le flot de mes émotions, qui les respecte. Une parole avec laquelle je suis fondamentalement en accord. Une parole vraie et peut être même humaine. Afin que je ne me retrouve plus dans ce type de situation, qui semble se répéter d’ailleurs…

Un moment douloureux où des personnes (mes collègues donc), qui s’ennuient sans doute, qui ont une vie tellement triste qu’ils ont besoin de s’occuper en s’en prenant aux autres.

Si on se contentait juste de faire le job ?

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Le dimanche

Le matin, elle regarde les émissions religieuses. Elle écoute, se remémore, se connecte à son Dieu, désormais figure lointaine, auquel elle n’est plus très sûre de croire.

A 10 h, c’est l’heure de la pause, l’heure du thé ou du café brûlant, selon l’humeur.

Après seulement, elle concède à ce que je lui masse pieds et jambes, en l’absence du passage de l’infirmière.

C’est le moment où elle me répète que mes mains sont vraiment douces et que j’aurais dû en faire mon métier.

Et puis, l’air de rien, enfoncée dans son grand fauteuil, elle lance les hostilités  « papotage ». Le boulot, le mari, la famille… Elle radote un peu mais je la laisse faire.

Parce qu’elle aime bien et moi aussi. J’aime ses petits conseils, ses vieux adages, ce doux moment rien que pour nous 2. Un moment de présence l’une à l’autre, précieux.

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Tracer les lignes

Nous avons collaboré 4 ou 5 mois avant que je ne quitte mon précédent emploi.

J’ai aimé son côté solaire, la vivacité de ses 27 ans, son côté engagé, voire rebelle.

Et puis son histoire avait un côté fascinant pour moi. Des parents globe-trotters qui ont vécu en communauté, une indépendance prise très tôt, le virus du voyage, du partage, la curiosité des peuples et des êtres, l’incroyable aisance relationnelle. Et un inénarrable grain de folie. Je crois qu’elle me renvoyait ce que j’aurais aimé être et que je n’étais pas.

J’ai appris qu’elle a quitté son travail, laissé son appartement pour rejoindre dans le nord de la France, un homme rencontré il y a peu.

Elle a osé et je n’en suis pas surprise.

Je me suis remémorée la longue liste des actes que je n’ai pas posés, des paroles que je n’ai pas prononcées, des choses que je n’ai pas réalisées, car je n’ai pas osé.

Je ne vais plus à la piscine, car je n’ose pas « exposer » mon corps ;

Je n’ai pas poursuivi le théâtre, car je n’osais pas monter sur scène ;

Je n’ai pas pris parti dans certaines situations professionnelles tendues, car je n’ai pas osé ;

Je n’ai pas dit à certaines personnes que je les aimais et à d’autres que je n’avais plus d’amour, car je n’osais pas dire ;

Je n’ai pas osé, alors qu’il était plus que temps, quitter mon emploi ;

Je n’ai pas accepté des propositions amicales,  de voyages, de sorties, parce que je n’osais pas ;

Parce que je ne me sentais pas à la hauteur à dire vrai. Je ne me pensais pas légitime, à ma place.

L’enfant, insécure, n’a pas fait le premier pas, n’a pas pris le risque, n’a pas affronté ses peurs, n’a pas fait tomber ses croyances erronées.

Quels étaient les risques ? A première vue, aucun n’était mortel.

Les conséquences ? Du gâchis. Un incroyable gâchis.

A mettre les autres toujours avant et devant moi, je me suis oubliée, invisibilisée.

Il y a toujours chez moi cette part un peu bancale, un peu atrophiée, qui doit aujourd’hui se redresser, se réveiller.

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4 ans ici !

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MERCI !

De venir de temps en temps ou plus souvent

De laisser des petits mots

D’être fidèle

Pour votre soutien, vos mots doux

Bref,

D’être là avec moi 🙂

Jeudi 20

Je suis allée m’acheter une collection de légumes verts pour ma soupe du soir.

Je me suis offert des roses, de toutes les couleurs pour égayer mon salon. 9 roses éclatantes.

J’ai pris RDV avec une psy « fouillie », qui m’a paru très jeune (non je n’ai rien contre les jeunes), à suivre…

J’ai regardé de plus près ce qu’est le yoga kundalini (si vous pratiquez, je suis preneuse d’infos).

J’ai fait ma méditation de l’amour bienveillant.

Je suis allée balader ma truffe dans ma campagne teintée de couleurs chatoyantes.

J’ai récupéré des assiettes de ma grand-mère, entrée en maison de retraite et avec  laquelle je ne suis plus en contact depuis plus de 10 ans… Je me demande pourquoi je les ai prises et surtout si je pourrais manger dedans.

J’ai réfléchi au goûter que je lui préparerai demain, lui qui fait l’effort de venir jusqu’à moi. Ce que nous pourrons bien nous dire…

J’ai accueilli toutes les émotions et manifestations physiques qui me traversent, les larmes, les crises de panique. J’ai respiré fort, regardé, laissé filer.

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Explorer les interstices

Le silence est partout dans la maison, si ce n’est le tic tac de l’horloge de la cuisine.

Dehors le monde tourne.

Mon Népou est rentré dans son chez lui, mes collègues travaillent, mes amis aussi.

Je pose tous mes pourquoi : pourquoi encore une situation professionnelle bancale, pourquoi ce burn-in, pourquoi la fatigue, pourquoi nous….?

Peu de réponses.

Sinon la certitude qu’il nous faut nous poser un peu, prendre du temps pour nous, prendre du temps pour moi aussi. Du temps pour méditer, m’aérer, cuisiner, écrire, rencontrer d’autres personnes.

Lorsque j’appuie sur le bouton « pause », je me rends compte qu’une fois de plus le travail a pris toute la place. Un emploi certes moins stressant que le précédent mais tout aussi prenant, tout aussi peu reconnu, tout aussi exposé. Un travail qui fait bien moins sens pour moi, qui ne me donne pas forcément envie de me lever le matin avec la banane et l’énergie pourtant nécessaires.

Tout se répète sans cesse comme un plat qu' »on » ne cesserait de me resservir.

Je me demande si aujourd’hui il faut renoncer.

Renoncer à s’épanouir dans son travail. Dans un monde où tout change vite, trop vite, où nous ne servons finalement qu’à exécuter des décisions prises plus haut, décisions pas toujours connectées aux réalités de terrain. Je suis sceptique face à ce qui est décidé en mars et qui a changé trois ou quatre fois de cap en septembre. Je suis dubitative face aux politiques qui réagissent plus qu’ils ne réfléchissent sur le long terme. Car pour moi, le long terme est  le seul étalon qui permet de construire lorsque l’on accompagne l’humain.

 

Déflagration

Des mois que je n’étais pas allée sur son blog. Il faut dire qu’il poste peu, de ci de là des photos toujours belles, chaleureuses, douces, comme je les aime. Des photos comme lui. Papa aimant, homme charmant, ami fidèle.

Et puis le message. Terrible. L’annonce du cancer de son enfant de 8 ans, il y a exactement 10 jours. Avec des mots choisis, sourds, d’une violence inouïe.

Quand nous sommes vus pour la dernière fois ? Il y a un mois et demi. Nous évoquions l’achat de leur nouvelle maison, la nouvelle cuisine dans laquelle il pourrait s’adonner à sa passion, les chambres des filles, plus grandes, son rêve de jardin d’hiver.

Quelque chose s’abat sur mes épaules. L’incompréhension, la colère, l’infinie tristesse, l’impossibilité à trouver les mots.

Je l’imagine, petite V., pleine de vie, au rire doux. Une enfant, qui bascule dans la douleur quotidienne, dans la gravité, qui depuis peu a élu domicile, contraint et forcé, dans un univers hospitalier.

La vie. Étrange,implacable.

Dans un mail discret, j’ai assuré de mon amitié, de mon soutien, de ma présence. Je vais prier aussi, offrir des méditations, m’efforcer d’honorer la vie…

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Hours and Hours

Je pourrais rester des heures lovée dans mon canapé à lire et écrire.

Je pourrais rester des heures à laisser s’égrainer le temps, à mettre loin les bruits, les contingences du quotidien, le tourment des questionnements et des incertitudes.

J’aime mon antre, plus que de raison, sans doute. J’aime sa douceur, la paix qu’il m’offre, la  manière dont il m’enveloppe.

Chaque chose ici a été choisie minutieusement, parfois en coup de vent, parfois sur un coup de tête, mais tout est moi,  familier, étrangement rassurant.

Ici je n’ai besoin de rien. Rien d’autre que la vue sur mes montagnes (un peu bouchée en ce moment mais je m’en contente), du thé,  du raisin sec, mes couvertures et une pile de journaux et de livres.

C’est mon programme pour une semaine…

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La culpabilité

Nous cheminons depuis de nombreuses années.

Avec la culpabilité.

L’émotion préférée de notre société judéo-chrétienne, l’émotion phare dans ma famille. Un truc qu’on se traine comme un immense boulet et dont j’ai hérité, non sans enthousiasme (quitte à se transmettre des trucs, autant que ce soit bien lourd).

Ma culpabilité a un nom et un visage : burn-in doublé d’un herpès géant. Je recommande.

En allant voir le médecin avec ma gueule d’éléphant man, j’ai espéré secrètement qu’il m’arrête. Un arrêt de quelques jours pour reposer mon corps en pilotage automatique depuis quelques mois, fatigué, tendu, allez je vais le dire, à bout. Lorsqu’il a pris ma tension, vérifié mon état psychique (pas topissime) il a convenu que la meilleure chose à faire en la circonstance, c’était l’arrêt.

Et là patatras. La dame n’assume plus. Le démon posé sur mon épaule droite (le démon est toujours à droite chez moi….) a sorti sa fourche et ses vociférations. Du genre : « tu devrais avoir honte, tu ne bosses pas à la chaine non plus, pense à tes parents (qui ne se sont jamais arrêtés), pense à tes collègues, et le trou de la sécu ?!!! »

Pas hyper constructif.

La culpabilité sert à masquer la réalité.

La réalité de la dépression ancrée, qui fait son retour quelques mois seulement après l’arrêt des médicaments, une dépression tue pour ne pas alerter le Népou, ne pas soucier mes parents. Une dépression dont je ne sors pas, dont je n’arrive pas à parler, que je ne peux pas partager. Je tourne en rond, merveilleusement, avec brio. Je suis dans le mur, j’en ai la certitude mais je suis incapable de sortir du cercle infernal. Faire des choix, prendre des décisions assumées…. je n’y suis pas.

Invariablement, je reviens à mon point de départ. Pourquoi ? Je me sens prête à comprendre.

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