Le tunnel

La période est compliquée, c’est vrai.

J’ai l’impression d’entrer dans un long tunnel et que l’énergie que je dois déployer pour en venir à bout est incommensurable.

Dans mes rares souvenirs d’adolescence, les choses ne se passaient pas trop mal. Ce n’était pas très heureux mais pas difficile non plus.  J’étais heureuse de grandir même si j’ai très tôt eu des formes et que très tôt ces formes m’ont fait passée pour bien plus âgée que je n’étais. Les règles, les seins, mes hanches, ma taille étaient une manière d’accéder à « autre chose ». Bien sûr, il y avait déjà des questions de poids. A 13 ans j’entamais un régime drastique. Mais rien d’aussi remuant, bouleversant, « dedans comme dehors »

Tout ce que je traverse en ce moment, le tunnel donc, m’égratigne, réveille de vieilles blessures, m’empêche de dormir, m’irrite.

J’ai le sentiment, au propre comme a figuré de changer de peau. Car je change de peau… Mes cheveux aussi changent. Cette mue est un peu cruelle. La peau sèche, irritée, assoiffée, terne. Pareil pour les cheveux, mes cheveux que j’aime tant et pour lesquels je nourris une certaine passion (ça reste entre nous bien sûr !)

Le reste ? Il est immense.

La colère est revenue m’habiter (m’a t elle jamais quittée seulement ?). Celle qui me met en rogne devant les incohérences de ce monde, devant les conventions à la noix, les faux semblants, les règles. J’ai envie de décoller les étiquettes. La gentille, la consensuelle, la « cadrée ». J’ai envie d’exploser les moules. Professionnels notamment. Les incompétences, les hypocrisies, les paroles vides me lassent.

Ma mère ne me « reconnaît » pas, une de mes amies m’a dit que je manquais de « rondeurs dans mes relations », un comble (si tu me suis un peu tu vas hurler de rire) ! Ces remarques m’agacent, me blessent. Quand faudra-t-il cesser de s’excuser, d’être qui on a envie d’être ?

L’adolescence nous fait rentrer dans le vif de la vie. Tout est ouvert, tout est permis, tout est à créer. Aujourd’hui et avec le recul, je regarde toutes les limites, les barrières que je me suis mises ou imposées, tout ce que je rêvais de faire et que je n’ai pas fait. Par crainte, peur, manque de confiance. J’ai des regrets… Beaucoup de regrets.

J’entre dans la deuxième période de ma vie. Et elle me dévore de l’intérieur.

.

2/ Les sons

L’aboiement de mon chien, qui attend mon retour de l’école derrière la porte

La salle de restaurant de mes parents, un dimanche,  jour d’affluence

Le ruisseau qui coule à côté de la maison

Le chasse neige, qui annonce qu’il va falloir se lever tôt le matin pour déneiger devant la maison

La pluie sur la fenêtre de toit qui berce mes nuits

La musique à tue tête, les mercredis matins, de la chanson française écoutée avec maman

La sonnerie à l’école, en tant qu’élève, puis en tant qu’aide éducatrice

Le silence apaisant du bureau, le matin, en arrivant, le soir en partant, indispensable SAS

Les feuilles et branches l’automne dans ma forêt

La Tv allumée sans discontinuer chez mes grands parents

L’arrivée du train de mon Népou en gare

Le chant des oiseaux pour accompagner le réveil

 

1/ Les odeurs

La crème de calmille d’Yves Rocher que ma maman s’appliquait le soir avant le coucher

La terrasse fumante de la maison après la pluie, l’été

Les effluves émanant de la cuisine de mon père

L’herbe coupée du pré de la maison de mon enfance

Loulou, le parfum de mes années adolescentes

La peau de mon Népou

Le pain d’épices au moment de Noël

La mer aux heures les plus matutinales

Le café chaud du matin

La pipe de mon père

 

 

 

 

Dans un coin rose de mon enfance

Il y a ma chambre refuge, aux murs tapissés de fleurs oranges, avec vue sur l’immense jardin peuplé d’elfes enchanteurs. Sur mon grand lit, une quantité astronomique de peluches et poupées. Mon royaume, ma communauté.

Il y a les soirées d’hiver passées au coin du feu, à me laisser chauffer les joues et à écouter crépiter le bois. Des moments de bonheur rassurants.

Il y a mon chien câlin, énorme boule de poils rassurante et douce.

Il y a les visites de Maman, l’après midi. Instants trop courts de partage et de complicité. Le lien, le pilier indéfectible de la famille.

Il y a les histoires lues avant le dodo, histoires féériques qui favorisent déjà mon imaginaire productif.

Il y a le groupe des petites copines du quartier. Amies miroir, amies passerelles qui m’accompagneront jusqu’à la fin de l’adolescence.

Il y a les week end « Auberge espagnole ». On rit, on mange, on boit, on papote autour de la table, jusqu’à point d’heure. J’aime quand il y a du monde, quand la maison vit, vibre, résonne.  J’aime la joie qui respire ici et que je ne retrouve pas chez moi…

Il y a les instants de douceur, les gestes et les mots d’amour.

Dans un coin rose de mon enfance, il y a ces souvenirs précieux, d’instants magiques qui font celle que je suis aujourd’hui.