La liste des émotions

# La colère

Elle me pousse à revenir écrire ici. Je la connais bien, c’est, je crois l’émotion qui m’habite le plus et depuis toujours. J’y travaille bien sûr mais elle est aussi pour moi un indicateur, une alerte, que j’écoute en certaines circonstances. Elle vient me dire l’insupportable, le trop, le non gérable.

Actuellement, mes sources de colère sont nombreuses. Parmi celles ci, il y a l’inflation immobilière dans la grande ville dans laquelle je travaille. La surenchère bétonnière me rend folle. Chaque espace de la ville, jadis si belle, à taille humaine, offrant de jolies vues sur le paysage alentour est vérolé par les immeubles de plus en plus nombreux. Il faut chercher les espaces de verdure, lesquels ne sont d’ailleurs pas entretenus.

Je me demande comment on peut ainsi penser la ville et je déplore les projets qui sont portés par la municipalité qui ne correspondent en rien à ce que je me représente de la ville de demain, agréable à vivre, écologique, facilitant le vivre ensemble et les déplacements. Le visage qu’elle offre aujourd’hui est déformé, saturé, je le regrette. Je ne m’y que très rarement pour mes loisirs,  car tout est compliqué, du parkage jusqu’à la circulation piétonnière en passant par des lieux de vie « calmes », propices à la détente, à l’échange.

Mon autre sujet de colère est la violence. Jusqu’à aujourd’hui, j’ai toujours travaillé dans des quartiers nommés « Z » (zup, zep…) en 20 ans, j’ai travaillé dans 3 villes dans le top ten des villes et quartiers les plus violentes et précaires de France. Pour autant, je me suis toujours trouvée relativement protégée et j’ai évolué dans ces espaces sans peur. Mais voilà qu’en l’espace de quinze jours, 2 de mes collègues et 2 usagères des services dans lesquels je travaille ont été agressées, avec violence. Malgré moi, la méfiance et une forme de peur s’installent. Je fais attention lors de mes arrivées et départs, je ne me gare plus n’importe où et je regarde beaucoup l’environnement pour savoir qui est dans les parages. On nous a « conseillé » de retirer nos bijoux et de ne pas être dans de l’ostentatoire. L’ostentatoire en ces périodes de chaleur signifiant la manière dont nous les femmes nous nous habillons.

Ceci me met profondément en colère. Car je le pose ici et sans entrer dans le détail, la population féminine ces 10 dernières années a énormément changé dans ces quartiers. Alors quoi ? Faut il que je gomme qui je suis, que je me méfie au motif que je suis une femme ???? La question est posée et elle est effrayante et alarmante.

# L’amour

L’amour infini que je porte à mes parents, mon mari, ma famille, mes filleuls, mes cousines. Un amour inconditionnel qui porte, fait rayonner, qui étouffe parfois, qui questionne souvent. Mais qui est  essentiel. Chacun des êtres auxquels je pense en écrivant ces lignes a fait de moi la personne que je suis, m’a fait grandir, évoluer, m’a rendue meilleure.

Je crois et je le dis peu finalement, que j’aime la vie. Une vraie chienne parfois, qui m’a égratignée souvent. A plusieurs reprises j’ai voulu la quitter, m’effacer. Mais aujourd’hui et malgré des difficultés tenaces, j’éprouve de la gratitude pour ce qu’elle m’a offert, pour ceux et celles qu’elle a mis sur ma route, pour les étapes heureuses de ma vie que je ne regrette pas.

# L’espoir

J’ai l’espoir d’une vie meilleure pour toutes les personnes dans la souffrance, pour les populations en état de guerre.

J’ai l’espoir d’une société qui change, évolue positivement, laissant plus de place à l’être qu’à l’avoir, plus de place à l’écologie qu’au capitalisme.

J’ai l’espoir de vivre un jour avec mon Népou, à la campagne dans une jolie petite maison (de 90 m2 avec terrasse….)

# La haine

C’est un sentiment qui a été très fort chez moi adolescente. La haine de la famille surtout, la haine envers le système scolaire. Il m’a quittée lorsque j’ai commencé à travailler, à devenir plus indépendante et forte, lorsque j’ai eu la possibilité de choisir.

# La joie

J’éprouve de la joie dans la nature avec laquelle je me sens de plus en plus connectée, que je recherche de plus en plus par ailleurs. J’éprouve de la joie à observer la nature, à la respirer, la humer.

Et puis je ressens beaucoup de joies liées à la culture. La découverte d’un auteur, d’un livre, me retrouver dans une salle de spectacle, face à une scène. Tout cela me fait éprouver de la joie.

J’ai des joies professionnelles. Lorsque la personne accompagnée abouti à son projet.

# La peur

J’ai évoqué certaines peurs plus haut. Celle qui revient de plus en plus en ce moment c’est la peur de la mort, d’une certaine personne, celle de mes parents aussi, celle de ceux que j’aime.

Et ma peur la plus forte (en dehors des araignées et des papillons de nuit géants) c’est la peur de vieillir seule…

# La surprise

Devant la nouveauté, devant ce que l’autre offre intentionnellement ou pas, devant ce que la vie pose de joyeux et d’inattendu sur ma route.

# La tristesse

Mes tristesses sont nombreuses et surtout liées à des relations amicales et familiales qui ne sont plus, sans que je sache exactement pourquoi.

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Le tunnel

La période est compliquée, c’est vrai.

J’ai l’impression d’entrer dans un long tunnel et que l’énergie que je dois déployer pour en venir à bout est incommensurable.

Dans mes rares souvenirs d’adolescence, les choses ne se passaient pas trop mal. Ce n’était pas très heureux mais pas difficile non plus.  J’étais heureuse de grandir même si j’ai très tôt eu des formes et que très tôt ces formes m’ont fait passée pour bien plus âgée que je n’étais. Les règles, les seins, mes hanches, ma taille étaient une manière d’accéder à « autre chose ». Bien sûr, il y avait déjà des questions de poids. A 13 ans j’entamais un régime drastique. Mais rien d’aussi remuant, bouleversant, « dedans comme dehors »

Tout ce que je traverse en ce moment, le tunnel donc, m’égratigne, réveille de vieilles blessures, m’empêche de dormir, m’irrite.

J’ai le sentiment, au propre comme a figuré de changer de peau. Car je change de peau… Mes cheveux aussi changent. Cette mue est un peu cruelle. La peau sèche, irritée, assoiffée, terne. Pareil pour les cheveux, mes cheveux que j’aime tant et pour lesquels je nourris une certaine passion (ça reste entre nous bien sûr !)

Le reste ? Il est immense.

La colère est revenue m’habiter (m’a t elle jamais quittée seulement ?). Celle qui me met en rogne devant les incohérences de ce monde, devant les conventions à la noix, les faux semblants, les règles. J’ai envie de décoller les étiquettes. La gentille, la consensuelle, la « cadrée ». J’ai envie d’exploser les moules. Professionnels notamment. Les incompétences, les hypocrisies, les paroles vides me lassent.

Ma mère ne me « reconnaît » pas, une de mes amies m’a dit que je manquais de « rondeurs dans mes relations », un comble (si tu me suis un peu tu vas hurler de rire) ! Ces remarques m’agacent, me blessent. Quand faudra-t-il cesser de s’excuser, d’être qui on a envie d’être ?

L’adolescence nous fait rentrer dans le vif de la vie. Tout est ouvert, tout est permis, tout est à créer. Aujourd’hui et avec le recul, je regarde toutes les limites, les barrières que je me suis mises ou imposées, tout ce que je rêvais de faire et que je n’ai pas fait. Par crainte, peur, manque de confiance. J’ai des regrets… Beaucoup de regrets.

J’entre dans la deuxième période de ma vie. Et elle me dévore de l’intérieur.

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Je mange

Quand ma belle mère, qui vient une fois par an chez nous, m’appelle pour me dire qu’elle a calé son planning de visite… »Est ce que ça te va ? ». Comment te dire…

Quand l’enfance me revient comme un boomerang dans la gueule et que la petite fille saigne de ce qui n’est pas cicatrisé.

Quand l’injustice est tellement grande et criante mais que personne ne bouge (pas même moi).

Quand je constate que pour avoir des nouvelles, c’est à moi d’appeler. Tout le temps, invariablement.

Quand je n’ai pas de solution pour moi, quand je tourne en rond, quand je me sens « improductive ».

Quand je suis en période down. Fatiguée, le cheveu plat, l’œil de qui se défrise, la bouche en banane inversée (down quoi).

Quand j’entends les infos (pourtant à dose hyper homéopathique) et qu’elles me flinguent (où va l’humanité bordel de marde ????)

Quand je ne pense qu’à manger et surtout du sucré….

Je mange l’absence, je mange les doutes, je mange les peurs, je mange le vide.

(Sinon, tout va bien t’inquiète 😉

Juin !

Je suis une femme d’hiver.

J’aime le froid qui saisit le corps et les joues, j’aime dormir ensevelie sous une tonne de couverture, boire du thé fumant à longueur de journée, prendre des bains , porter des chaussures fermées qui cachent mes pieds, des foulards, des chapeaux. J’aime les nuits fraîches qui favorisent le rêve. La chaleur m’anesthésie, me fatigue.

La violence qui a traversé tout le mois de juin me laisse dubitative. La violence intérieure, au niveau national, une violence meurtrière à l’échelle européenne, celle enfin à nos frontières et celle enfin qui a touché Orlando . La folie des hommes, pour un Dieu, une idée, me glace. J’ai peur de perdre une certaine innocence, j’ai peur de m’habituer, de renoncer. J’ai envie de continuer à flâner dans les rues parisiennes, sans craindre qu’une bombe explose dans une gare ou une station de métro. J’espère de tout cœur pouvoir retourner à Istanbul pour montrer cette belle capitale à mon Népou. J’ai le sentiment douloureux que notre vieille Europe s’essouffle, que les rêves d’hier ne sont que de lointains mirages qui se cognent à la bêtise et à la cupidité. Pourquoi est-il si compliqué de vivre ensemble ? N’est-il pas possible de s’unir autour d’autres valeurs que celles économiques… ?

En juin, j’ai beaucoup photographié, regardé, flâné. Je découvre une nouvelle joie, hors de celle des mots. Celle de regarder, considérer, apprivoiser. C’est si bon de prendre le temps de regarder, respirer l’air d’une place, d’un jardin, d’un quartier.

En juin, mes parents ont tous deux eu des accidents de santé. Un accident cardiaque pour l’une et une opération pour l’autre. Comme à chaque fois qu’ils sont diminués, la réalité vient me saisir. Me revient en conscience qu’ils deviennent vieux et qu’ils vont mourir, que je serai seule pour porter tout cela, que la vie est parfois affreusement cruelle, elle arrive sur la pointe des pieds sans frapper. Ma mère est partie en toute vitesse aux urgences, agitant sa main,, sans un mot. Je me suis dit qu’elle pourrait mourir, sans que nous nous soyons dit le plus important…

En juin, une nouvelle fois, je me suis retrouvée seule au travail. Ma collègue étant prolongée de semaine en semaine. Bien sûr elle n’est pas remplacée… et je suis contrainte d’abattre le travail de deux personnes et de retomber dans mes anciens schémas. Je n’ai fait que cela. Partir, travailler, manger, travailler, rentrer pour m’écrouler. Pauvre vie sociale, insatisfaction professionnelle. Je travaille mécaniquement, sans conscience, en réalisant un travail superficiel. Je n’apprends rien, sinon que je suis capable, oui capable de tenir seule. Que me réserve cet emploi, comment les prochains mois vont-ils se dérouler ? Les restrictions budgétaires qui nous assaillent sont des plus anxiogènes. Comment rassurer lorsque soi même on tangue, on doute, on subit une forme de malmenance….

En juin, il y a eu l’annonce de la rééducation maxillaire et enfin j’entrevois la fin de mes affreuses souffrances et la perspective d’une opération.

En juin, la colère est revenue ravagée mon intérieur. La colère contre la famille qui a toujours su si bien trouver le chemin de notre maison lorsqu’elle avait besoin. Mais qui n’a pas su se montrer présente lorsque mes parents étaient au plus mal. La colère contre mon Népou de ne pas être plus investi dans sa recherche d’emploi et de nous imposer un rythme de vie éreintant. La colère contre moi, placée dans l’attente, l’attente qui me renvoie à l’enfance invariablement. Attente des parents, des amis, des hommes, de mon Népou…. Je suis dans une forme d’attentisme, impossible de me réveillée tant la fatigue a investi tous les pores de mon corps.

Vivement l’automne….

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Joli mois de mai

Merci

Pour ces ponts et viaducs qui m’ont permis de me reposer et de prendre du recul

Pour avoir rendu ma nature environnante verdoyante et foisonnante

Pour ces jolies matinées fraiches qui m’ont permis de me balader, de me connecter à la nature, d’évacuer mon trop plein de colère

Pour ces jolies rencontres, ces RDV, ces discussions nourrissantes qui m’ont  fait plaisir

Pour les difficultés que tu as posé sur mon chemin qui m’ont demandé de faire face et de grandir

Pour ces moments de silence salvateurs

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Stratosphère

La violence est venue envahir chacun de mes membres, de la gorge au bout des pieds, en passant par le pouls qui bat fort dans chacune de mes cellules. Une tension extrême, à chaque étage.

C’est une onde de choc, qui de manière cyclique vient m’envahir.

J’explique cela par une accumulation de petits échecs, de déceptions, d’incompréhensions.

Rarement je ne me suis sentie autant « à côté ».

Chaque situation du quotidien m’agace : l’inertie et la violence du « système », la violence des relations, l’absence de communication.

J’ai le sentiment que plus rien ne fonctionne comme il faudrait et je m’étonne d’en être la seule affectée. « On » ne pense pas comme moi… Pas de révolte, jamais un mot plus haut que l’autre. On dénonce dans notre coin et puis on s’en retourne à nos petites affaires. Mais moi je ne peux plus. J’ai perdu le sens.

Aujourd’hui, je suis sortie de ma voiture à une station service, la personne qui me précédait tapait tranquillement sur son portable tandis que je patientais. Je suis allée taper à sa vitre en hurlant, j’aurais pu très facilement lui mettre ma main dans la tronche.

Je ressens l’absolue nécessité de prendre du recul, de la hauteur mais j’en suis incapable. Chaque jour amène son lot de tracasseries qui me plombent un peu plus.

La relative solitude qui est la mienne aujourd’hui est devenue insupportable. A force d’écouter et d’éponger, de toujours m’effacer, on m’a sensiblement oubliée… Je suis bluffée par la facilité qu’on certaines personnes à ne penser qu’à elles.

Si on me demandait comment je vais aujourd’hui la réponse serait : MAL.

News from the World : march

J’ai eu 38 ans, un jour de fête internationale des femmes. J’aurais aimé que cet instant, cette journée ne s’arrête jamais. Non pas parce que je tire une fierté à avoir 38 ans (car au fond cet âge me semble de splus irréels). Mais juste parce que pour la première fois, j’ai touché du doigt un sentiment de paix intérieure. Une plénitude impossible à qualifier. Un repas avec tous les aimés, tout le long de la journée des signes d’affection, d’amitié, d’amour et des cadeaux, comme je n’en n’ai jamais eu. Juste du bonheur.

Voilà que la « colère professionnelle », revient m’habiter avec violence. Notre cadre de travail ne cesse de changer, d’être bousculé au détriment de l’accompagnement des personnes, des contraintes institutionnelles imposées en dépit du bon sens. Je m’oppose et je souffre. Le chiffre au détriment de l’humain, du lien social, de la qualité de l’accompagnement. Les techniciens que nous sommes sont méprisés. Pourtant nous sommes présents tandis que ministres et mesures à la noix se sont succédé jusqu’ici, infatigables pansements sur une jambe de bois tandis que l’autre se gangrène. Plus j’avance et plus ces pratiques me deviennent intolérables. Je trouve les gens gentils. Gentils de ne pas se rebeller, gentils de ne pas tout faire péter, tant ils sont malmenés. Je me contente de petites victoires, il y a bien longtemps que j’ai renoncé à faire des étincelles. Je souhaitais être une professionnelle incontournable, la « meilleure ». Je ne le serai jamais. J’écoute, je considère, je suis un miroir, je tiens la main…

Un nouveau Pape. Le temps m’a rendue agnostique et pourtant ce Pape, dont je ne sais rien au fond, a fait naitre en moi un certain espoir. J’ai aimé les mots simples, les bains de foule, les objectifs sans doute irréalisables mais sincères. J’ai regardé la cérémonie comme plongée dans un autre siècle, mi amusée, mi impressionnée. Francesco, une promesse.

François. Que de déceptions depuis le jour de ton élection. Que de promesses que tu foules un peu plus aux pieds chaque jour. Je suis malade à mon pays, malade de voir ce que tu en fait, aidé par une bande de ministres risibles. Je suis si déçue et tellement en colère que j’en viendrai à rallier le propos de notre Gérard national. Ne vois tu donc rien, n’entends tu pas les difficultés énoncées par les Français ? Il me semble que non. Tant d’amateurisme, de manque de créativité et de bon sens me laissent dubitative et sceptique. Il me semble que ce n’est ici que le début d’une longue dégringolade.

En mars, on a encore bafoué la laïcité. Débattre ici sur la question est impossible et un peu casse gueule, j’ai toujours peur que mes mes propos soient  mal interprétés et sources de confusion. Je vous  renvoie sur « l’affaire » de la crèche Baby-Loup. Il n’est nullement question pour moi de stigmatiser une religion. A mon sens, les signes religieux quels qu’ils soient n’ont pas leur place à l’école et encore moins à la crèche. Je suis et demeurerai une défenseure acharnée du principe de laïcité, pour peu que ceux qui nous gouvernent ne légifèrent pas à tout va, pour créer encore plus de troubles et d’opacité.

Ayrault nous dit qu’il sait où il va. Il est bien le seul à le savoir, d’ailleurs, s’il pouvait nous indiquer une quelconque direction, ça pourrait nous aider à comprendre sa politique…

J’ai renoué avec mes repas de filles. Quand on parle chiffon et pas que, quand on se sent relié par cet indescriptible fil, celui qui fait se sentir dans ce qui me plait d’appeler une communauté d’âmes. J’en avais besoin, ça m’a manqué. J’ai savouré avec plaisir cette douce « fraternité ».