Last Year

Nous nous sommes levés tard.

Nous avons allumé nos portables et l’un comme l’autre avons lu les messages reçus en cascade. Est ce que nous étions sortis la veille ? Est ce que nous allions bien ? Est ce que nous comptions rester dans la capitale ? Nous n’avons pas compris tout de suite. Alors nous avons allumé la TV et dans la foulée, mon beau-père appelait inquiet que nous n’ayons pas pris la peine de le rassurer.

Il y a un an, nous venions de nous marier et flottait encore autour de nous ce parfum de joie, ce bonheur simple.

Il y a un an, j’avais un entretien pour un nouveau travail. Je croisais les doigts pour être prise, pétrie néanmoins de doutes et d’une peur sourde.

Il y a un an, mon beau père était encore parmi nous, mes parents n’étaient pas encore entrés dans le cercle infernal des opérations et des résidences forcées dans les hôpitaux.

Il y a un an, V. n’était pas encore atteinte de son cancer.

Il y a un an, nous n’avions pas eu cette terrible dispute qui m’a fait prendre conscience, plus que jamais, que tout est ténu, fragile.

Il y a un an, la vie a décidé de nous épargner, nous et nos proches, nos aimés.

Il y a un an notre monde avait commencé à vaciller, mais depuis lors il ne cesse d’être ébranlé. Il y a comme un avant et un après. Des pouvoirs qui s’entrechoquent, des valeurs qui volent en éclats, des colères qui grondent, des contre-pouvoirs, des informations tronquées…

Il y a un an, je voyais la vie d’une certaine façon. Simpliste peut être, différente d’aujourd’hui en tout cas.  Aujourd’hui tout est plus précieux, plus savoureux, plus doux, plus beau, plus fragile aussi. Plus urgent.

Oui depuis un an, tout est infiniment plus urgent…

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Après l’été

Il ne s’est rien passé cet été.

Presque rien :

  • Les allers-retours dans les établissements hospitaliers de la grande ville pour mes parents.
  • Une engueulade monumentale avec le Népou et l’impression infantile que mon cœur allait se fendre en mille morceaux.
  • Une semaine de retard et ma machine intérieure qui s’est remise en marche : espoir, projections en tous genres et dégringolade.
  • Un RDV avec un nouveau nutritionniste qui m’a fait mordre la poussière, si je puis dire.
  • Une énième déception familiale (pas de mon côté cette fois).

Il m’est apparu que mes parents vieillissent. Je veux dire vraiment. Ces alertes de santé successives en ont été les révélateurs. Ils ne peuvent plus faire certaines choses, ils commencent à radoter, à s’inquiéter pour tout et de tout. Nos relations glissent, changent. Je deviens celle qui doit rassurer, faire à la place de, je rabroue aussi. J’ai gardé trop longtemps l’image de parents forts et protecteurs, qu’ils ne sont plus.

Je me remémore la personne que ma mère était « avant » et celle qu’elle est aujourd’hui. Toute petite, frêle, tassée, frileuse, vite fatiguée, angoissée aux moindres petits changements dans son quotidien. Lorsque je la serre contre moi, j’ai le sentiment qu’elle va se briser.  Et c’est mon cœur qui se brise. Je ne suis pas prête, je ne supporte pas l’idée que les choses se dégradent au point que je doive devenir le parent protecteur de mes parents. Je le supporte d’autant moins qu’étant fille unique je ne peux partager mes angoisses qu’avec moi-même.

Ces dernières années, les parents de certaines de mes amies ont disparu, parfois tragiquement et je remercie le ciel d’avoir toujours les miens. Néanmoins, cette réalité s’impose durement à moi : ils deviennent vieux, s’affaiblissent et moi je me prépare à l’idée qu’un jour, je devrais faire sans eux. Notre famille alors ne sera plus. Et c’est je crois le douloureux à imaginer, le fait que cette fois, je serai vraiment seule.

Comme il est difficile de vivre séparée de son Népou. Comme il est difficile de ne pas savoir quels sont les doutes, les craintes, les freins, qui traversent l’esprit de son mari… Il y a chez lui cette part de mystère, cet insondable dans lequel je n’ai pas (vraiment) de place.

Une semaine de retard, une toute petite. Chaque jour, l’espoir a grandi, chaque jour ma machine intérieure s’est un peu plus mise en marche. Comme la première fois, je me voyais avec un enfant dans les bras le jour de son baptême, je lisais déjà la joie sur le visage du papa. Et puis non. Évidemment allais-je dire. Je sais que je ne pourrais plus avoir d’enfant. Pourtant, inconsciemment, j’ai du continuer à nourrir ce fol espoir, tricoter. Ce nouvel épisode, en effet, m’a montré que rien n’était tout à fait réglé. Le deuil au fond, n’est pas totalement fait. Tout est bien là, présent, pesant.

Cette année, je me suis rapprochée de mes filleuls, tous grands désormais. Et j’ai mesuré, au delà de l’amour que je leur porte, à quel point il est bon et doux d’avoir des jeunes autour de soi. Nous avons passé quelques jours chez « notre grand » à Nancy, nous nous sommes laissés porter par lui. Il nous a fait découvrir sa ville d’adoption, ses passions. Je le découvre. Homme, professionnel… Puis « notre petite » nous a rejoint à Paris. Un vent frais a soufflé sur notre été grâce à eux. Lorsque je vois mon Népou soucieux de leur bien être, avec l’envie de partager ses connaissances, ce qu’il aime, la douleur de ne pas pouvoir avoir d’enfant se fait plus puissante. La dégringolade n’en a été que plus terrible.

Une énième tentative pour agir sur l’hyperphagie. La rencontre avec un nouveau nutritionniste, conseillé par l’amie d’une amie d’une amie. La rencontre est froide et je perçois que le M. méprise les gros qui le font vivre. Il me rentre dans le lard (mouhaha) et évidemment je rends l’uppercut (faut pas me prendre pour un jambon). Le problème, ce sont les chiffres qui s’affichent et qu’il me lance : poids, glycémie et tout le toutim. Le salaud. Puis viennent les mots qui appuient bien là où ça fait mal. Diabète, obésité, risques, déni, inconscience, maltraitance. Et voilà que je m’effondre. Il a bien réussit son coup (le salaud). Me voilà embarquée dans un énième « régime », avec une feuille de route drastique. Pour une fois, et à son crédit, le personnage connait l’hyperphagie. La partie technique seulement, car pour ce qui est de la partie psychologique, des crises, de la dépression, le M. ne les prend pas en compte… A suivre donc (ou pas).

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Juin !

Je suis une femme d’hiver.

J’aime le froid qui saisit le corps et les joues, j’aime dormir ensevelie sous une tonne de couverture, boire du thé fumant à longueur de journée, prendre des bains , porter des chaussures fermées qui cachent mes pieds, des foulards, des chapeaux. J’aime les nuits fraîches qui favorisent le rêve. La chaleur m’anesthésie, me fatigue.

La violence qui a traversé tout le mois de juin me laisse dubitative. La violence intérieure, au niveau national, une violence meurtrière à l’échelle européenne, celle enfin à nos frontières et celle enfin qui a touché Orlando . La folie des hommes, pour un Dieu, une idée, me glace. J’ai peur de perdre une certaine innocence, j’ai peur de m’habituer, de renoncer. J’ai envie de continuer à flâner dans les rues parisiennes, sans craindre qu’une bombe explose dans une gare ou une station de métro. J’espère de tout cœur pouvoir retourner à Istanbul pour montrer cette belle capitale à mon Népou. J’ai le sentiment douloureux que notre vieille Europe s’essouffle, que les rêves d’hier ne sont que de lointains mirages qui se cognent à la bêtise et à la cupidité. Pourquoi est-il si compliqué de vivre ensemble ? N’est-il pas possible de s’unir autour d’autres valeurs que celles économiques… ?

En juin, j’ai beaucoup photographié, regardé, flâné. Je découvre une nouvelle joie, hors de celle des mots. Celle de regarder, considérer, apprivoiser. C’est si bon de prendre le temps de regarder, respirer l’air d’une place, d’un jardin, d’un quartier.

En juin, mes parents ont tous deux eu des accidents de santé. Un accident cardiaque pour l’une et une opération pour l’autre. Comme à chaque fois qu’ils sont diminués, la réalité vient me saisir. Me revient en conscience qu’ils deviennent vieux et qu’ils vont mourir, que je serai seule pour porter tout cela, que la vie est parfois affreusement cruelle, elle arrive sur la pointe des pieds sans frapper. Ma mère est partie en toute vitesse aux urgences, agitant sa main,, sans un mot. Je me suis dit qu’elle pourrait mourir, sans que nous nous soyons dit le plus important…

En juin, une nouvelle fois, je me suis retrouvée seule au travail. Ma collègue étant prolongée de semaine en semaine. Bien sûr elle n’est pas remplacée… et je suis contrainte d’abattre le travail de deux personnes et de retomber dans mes anciens schémas. Je n’ai fait que cela. Partir, travailler, manger, travailler, rentrer pour m’écrouler. Pauvre vie sociale, insatisfaction professionnelle. Je travaille mécaniquement, sans conscience, en réalisant un travail superficiel. Je n’apprends rien, sinon que je suis capable, oui capable de tenir seule. Que me réserve cet emploi, comment les prochains mois vont-ils se dérouler ? Les restrictions budgétaires qui nous assaillent sont des plus anxiogènes. Comment rassurer lorsque soi même on tangue, on doute, on subit une forme de malmenance….

En juin, il y a eu l’annonce de la rééducation maxillaire et enfin j’entrevois la fin de mes affreuses souffrances et la perspective d’une opération.

En juin, la colère est revenue ravagée mon intérieur. La colère contre la famille qui a toujours su si bien trouver le chemin de notre maison lorsqu’elle avait besoin. Mais qui n’a pas su se montrer présente lorsque mes parents étaient au plus mal. La colère contre mon Népou de ne pas être plus investi dans sa recherche d’emploi et de nous imposer un rythme de vie éreintant. La colère contre moi, placée dans l’attente, l’attente qui me renvoie à l’enfance invariablement. Attente des parents, des amis, des hommes, de mon Népou…. Je suis dans une forme d’attentisme, impossible de me réveillée tant la fatigue a investi tous les pores de mon corps.

Vivement l’automne….

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Missions

Longtemps j’ai pensé que ma mission familiale était de faire en sorte que mes parents restent ensemble. Malgré les difficultés nombreuses, une vie de famille chaotique, mes parents savourent leur retraite et leur vieillesse ensemble, de manière apaisée.  Je m’en réjouis car il me semble qu’ils reviennent de loin, que notre famille a mis des années à vivre ensemble sans acrimonie, à s’accepter, à se témoigner de l’amour.

Ma mission professionnelle ensuite a été de terminer ce que ma mère avait commencé. C’est à dire de travailler dans le social, comme elle et de poursuivre, tandis qu’elle avait tout plaqué pour suivre mon père. Il m’a fallu quelques heures de divan pour comprendre cela. Cette mission inconsciente que je m’étais collée sur les épaules, à la fois pour plaire à ma mère et pour vivre à sa place ce qu’elle avait quitté à regret.

Tout cela étant fait, je me demande ce qu’il me reste.

Je donnerais beaucoup pour m’orienter vers un secteur d’activité moins chronophage, énergivore. J’ai fait mon temps, partagé mes compétences, donné ce que je pouvais et plus encore.

Ma vie à moi est un petit puzzle dont je n’arrive pas à rassembler les pièces.

J’ai choisi un homme absent, tout comme l’était mon père. Je dois travailler sur cette absence, travailler sur cet amour et cette reconnaissance qui m’ont toujours manqué et que mon père n’est pas en mesure de donner aujourd’hui, ni mon Népoux en mesure de réparer.

Je dois travailler à l’acceptation. Faire avec qui je suis. Me donner cet amour qui m’a toujours cruellement fait défaut, vivre avec moi dans la bienveillance et ne pas attendre des autres qu’ils m’apportent tout, comblent tout.

Je sais que tout est là, tout réside dans ces faits là. Trouver ma voie, enfin, finalement, ne penser qu’à moi après avoir toujours fait passer tous les autres « devant ».

Mais c’est fichtrement douloureux.

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Wedding Point : J – 3 mois

Décider de se marier, c’est choisir de vivre une aventure, pour soi, avec l’homme qu’on aime mais aussi avec nos familles respectives.

Ce projet de mariage, m’a permis d’échanger beaucoup avec le Namoureux d’abord mais aussi avec mes parents. Sur leur chemin de couple, sur leurs attentes, celles qu’ils projettent sur moi aussi, de manière consciente ou inconsciente.

Depuis près d’un an, je plonge dans mes désirs, mes besoins et mes manques, mes contradictions aussi, liés à la famille au sens large. Finalement, depuis plus de 3 ans, entre les FIV et le mariage, la question de la famille ne m’a jamais quittée. Je l’ai interrogée sous toutes ses formes, j’ai plongé loin dans une exploration qui m’a fait grandir. Néanmoins l’enfant blessée en moi, celle qui a toujours eu mal à sa famille, n’a pas tout à fait cicatrisé.

J’ai regardé amusée (pas toujours, j’exagère) les réactions au moment de l’annonce, je regarde aujourd’hui avec peu de distance les arguments qui nous sont donnés par ceux qui ne peuvent pas venir. Je prends cela de manière très personnelle, tout en sachant très bien que je ne devrais pas.

J’ai l’impression que c’est demain et demain c’est tout de suite… le stress mooooonte grave.

Nous n’avons toujours pas eu notre RDV à la Mairie.

Nous n’avons pas tranché ce que nous allions choisir pour l’apéritif, ni pour le vin blanc d’ailleurs.

Je suis assez peu inspirée pour la déco, bien que j’ai fouiné dans au moins 10 000 sites et pinté à tout va.

Pour l’ouverture de bal, mon Namoureux a choisi de se lancer dans une choré de LMFAO, chopée sur le net… en oubliant que nous sommes 2 quiches de première en danse.

Nous avons tenues et accessoires mais je ne suis pas calée sur le maquillage, ni la coiffure.

Je ne parle même pas de mes voeux d’engagement, je n’arrive pas à les écrire.

Et le truc qui me tue : mes ongles !!! Trop moches, cassants, trop courts. Un vrai désespoir.

Si vous pouviez faire des incantations pour qu’il ne pleuve pas, évidemment, je vous en serai éternellement reconnaissante 😉

Gratitudes

Je remercie ma mère d’être venue me chercher à la clinique et de comprendre que j’ai besoin d’y retourner encore.

Je remercie mon père d’avoir laissé un cadeau sur la table du salon, un cadeau pour remplacer les mots.

Je remercie copine de clinique de m’avoir envoyé un message d’encouragement ce we,  pour tenir.

Je remercie meilleure amie de m’avoir consacré du temps et de m’avoir offert un joli livre.

Je remercie R. de sa chaleur et de son accueil lors de la cérémonie de célébration de son PACS.

Je remercie le soleil d’avoir éclairé mon we, mon cœur et d’avoir chassé mes idées sombres.

Je me remercie…

Erreur fatale

Parler mariage.

Avec ma mère.

Sais pas ce qui m’est passé par la tête.

Ses yeux se sont mis à scintiller, ses lèvres à frémir.

Et sa petite machine intérieure s’est mis en route. Je l’ai vu tout de suite (je la connais la bougresse !).

C’est ma faute, je sais…

« On invitera untel et untel. De notre côté, on ne devrait pas être plus de 30 non ? Le mieux c’est de miser sur un petit mariage MAIS sans lésiner, t’en penses quoi ? »

Bah juste que je suis pas sûre de l’inviter finalement… (T’as pas envie de te remarier avec Papa des fois ?)