Promo 2003

Je suis de la promo 2003.

Je me souviens de mon « recrutement » pour intégrer la formation. Elle tient d’ailleurs une place particulière à mon cœur. Il m’a longtemps semblé qu’un ange gardien s’est penché sur cette journée pour me permettre d’avoir ma place, tant je me suis sentie mauvaise….

Je me souviens de l’exercice d’inclusion du 1er jour, le bon vieil exercice de l’alunissage (des allumettes sur la lune ???? Mais pour quoi faire ???!!!).

Je me souviens des présentations croisées. J’étais assise à côté d’une personne qui en était à sa 4ème vie professionnelle et je me sentais si petite, si débutante à côté d’elle. Elle est devenue ma « M » et aujourd’hui, elle en est à sa 6ème vie professionnelle.

Je me souviens des formateurs. Tous, sans exception. Les très très bons, si inspirants, si forts dans cette capacité à tisser du lien avec nous, à nous faire grandir…. et les autres.

Je me souviens des travaux collectifs, des présentations au tableau, des power point foireux, des soutenances chrono en main.

Il y a eu un nombre incalculable de fous rire, de bouffes improvisées, de visites sur le terrain, de développement local, des milliers de mails échangés entre nous, de soirées à bosser, potasser, réfléchir, de week end à « co-construire ».

En 2003, je suis entrée dans un univers, une famille. Nous avons construit une culture commune de groupe, dans un premier temps mais aussi une culture de l’insertion, de ce que nous voulions être plus tard.

Nous avons partagé un langage mais plus encore des valeurs, une projection sur le terrain et sur ce que nous pouvions et voulions apporter, à l’Autre.

Je retapisse un peu  l’histoire bien sûr.

Mais 16 ans plus tard, c’est ce que je garde. Une des périodes les plus fortes de ma vie.

Nous avons essaimé : conseiller emploi, conseiller formation, responsable de structure ESS, chargé d’insertion… Peu d’égarés et un noyau dur qui s’est suivi pendant plus de 10 ans.

Nous nous sommes revus hier. Nous avons (si peu) changé. Nous nous sommes retrouvés dans la joie, les éclats de rire, dans les souvenirs. Pour un grand nombre d’entre nous l’insertion est un lointain souvenir. Mais ce qui nous unissait alors est resté vivace, fort, prégnant.

Quoi que nous fassions et soyons aujourd’hui.

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Un chapitre

Dans mes ateliers, je demande aux personnes que j’accompagne de construire leur ligne de vie professionnelle et de la découper en chapitres.

C’est un outil que je trouve puissant et qui permet de visualiser beaucoup de choses et donc de conscientiser le chemin parcouru.

Ce soir, je me suis retrouvée en présence d’un acteur de l’un des chapitres de mon parcours professionnel. Peut être pas le plus important mais indéniablement le plus affectif.

Le 1er chapitre de ma vie professionnelle, concerne mon expérience en emploi jeune en quartier prioritaire. Cela correspond à une deuxième naissance pour moi. Une entrée dans la « vraie vie », une confrontation avec un univers, des codes, des cultures éloignés, voire inconnus pour moi. C’est la période dont je garde le plus de souvenirs, doux, malgré les difficultés.

J’ai noué au cours de ces années une relation « privilégiée » avec un loulou de quartier. Un meneur, dur mais au grand cœur. Ponctuellement, depuis ces 10 dernières années, nous nous sommes recroisés. Et toujours pour moi avec émotion.

La première, celle de le voir devenir un homme, un professionnel, aujourd’hui un père. La seconde est de constater que la chaleur qu’il me témoigne est intacte, malgré la pudeur. Enfin, il y a toujours entre nous ce je ne sais quoi… je me hasarderai à évoquer de l’affection.

Il fallait me voir avec mes croyances, mes certitudes, mes peurs et mes maladresses face à ces adolescents, évoluant pour la plupart dans des univers de précarité. Nous parlions deux langues différentes. Ce qui pour moi était parfois difficile, notamment dans les processus de groupes. Lui sans jamais prendre franchement fait et cause pour moi, cela l’aurait décrédibiliser, ne s’opposait jamais frontalement et souvent lorsque les orages étaient passés, venait me voir en solo. J’ai appris d’eux, j’ai appris infiniment de lui.

Ce grand gaillard respecté, craint par certains adultes et pourtant si attachant. J’ai gardé, précieusement ses cadeaux ramenés de Tunisie, témoignages de cet ineffable, de ce qui se crée mais ne se dit pas.

Ce soir et grâce à lui, j’ai replongé dans certains souvenirs et dans ce qui pour moi a été déterminant dans mes choix professionnels : « travailler avec l’autre », dans la relation.

Déjà maintenant

Ça y est, on y est.

Je veux dire, c’est déjà 2017.

Je me souviens avec une extrême précision dans quel état j’étais il y a un an.

Il me restait un mois à faire dans ancien travail. J’étais excitée, terrifiée et néanmoins anesthésiée car sous anti dépresseur. Je n’avais qu’une envie : voir du large, changer d’horizon, apprendre.

J’ai réussi mon coup… Non sans y laisser, encore, quelques plumes. 10 mois que je travaille dans une équipe incomplète, 10 mois que je cravache, que je ne parviens pas à lever la tête du guidon.

Émotionnellement, je me retrouve dans les mêmes pas qu’il y a un an. Étrangement  en arrière. Professionnellement, un nouveau chantier m’attend. Un nouveau challenge dont je ne suis pas certaine de vouloir. La stabilité espérée ne sera pas au rendez-vous.

Définitivement la vie va trop vite pour moi. La vie professionnelle, la vie 3.0, où tu n’as pas fini d’exécuter les dernières directives que déjà il faut penser à celles d’après demain.

Je me sens un peu prise au piège… Sans plus d’horizon qu’en 2016. d’ailleurs, comme l’année dernière, je n’ai envie de rien… Pas de résolution, pas de projet particulier.

Des besoins. Juste des besoins :

  • me remettre à lire, ce dont je suis incapable depuis un an
  • prendre du temps pour moi
  • manger mieux,
  • prendre soin de mon corps.

Juste ça, me remettre au coeur de moi.

 

Aout !

En aout,

La vie est passée à la vitesse de l’éclair, comme pour me rappeler que chaque seconde est  follement précieuse.

J’ai recruté, négocié, parlementé puis renégocié et re-parlementé.

J’ai bu des bières, encore, en (trop) grande quantité (encore).

Professionnellement et à l’image de ces derniers mois, j’ai passé l’été la tête sous l’eau.

De la fraicheur adolescente est venue secouer notre quotidien pour quelques petits jours et pour notre plus grand bonheur.

Des déceptions familiales, comme une pluie acide sur le cœur.

Alice Cooper présente sa candidature aux élections aux States. Nous on a Nico… On a les candidats qu’on mérite !

J’ai pleuré avec les handballeuses françaises pendant les J.O. et sur les commentaires sexistes des commentateurs sportifs, à la désarmante crasse intellectuelle.

J’ai pris la mesure de l’urgence : à dire, à vivre, à construire, à aimer et à s’en foutre.

J’ai appris ce qu’est le Kairos et  je crois pouvoir dire que je suis en plein dedans.

J’ai stoppé net ma came quotidienne, dans la douleur.

J’ai vu passé par la fenêtre de mon bureau tous les objets suivants : bouteilles de bière (vides et pleines), vêtements déchirés, basket orpheline, moitié de pastèque, pain, eau, pâtes et MEUBLE ; jeté par la fenêtre de mes voisins. Voui parfaitement (on vit dans un monde merveilleux).

J’ai eu chaud, hyper-super-trop chaud et j’ai rêvé chaque jour de la terre de mes ancêtres (Gnnnnnniiiiiii).

Je me suis demandée (et me le demande encore) comment on peut chasser des bestioles virtuelles.

J’ai survécu au chien du voisin, à la moto du voisin et à la voix de poissonnière de la mère du voisin (un magnifique été disais-je).

Je me suis étranglée sur une polémique, liée à un maillot de bain qui n’en n’est pas un, devenue grande cause sarkozienne. Vivement l’hiver qu’on cause anorakini….

J’ai attendu mes vacances comme on attend le messie, d’ailleurs c’est maintenant : HIHA !!!!!!

 

 

Tardive apparition

Il m’est apparu (un peu tardivement) que je n’étais plus faite pour le travail.

Tout ce gâchis : j’entends des talents, des compétences qui restent sur le carreau, des patrons sourds aux demandes (à part à la SNCF plus personne n’est en mesure de revendiquer aujourd’hui) des salariés, des milliers d’offres qui restent non pourvues, des milliers d’euros mis dans des formations qui ne servent à rien… lasse, je me dis qu’il serait bon que je laisse la place à plus motivé-e que moi. Je ne le suis plus.

Surtout, je m’affranchis (enfin !) de la culture travail transmise par mes parents. Ponctualité, sourire, exécution des tâches sans rechigner, arrêt maladie seulement si on frôle la mort, zéro contestation ou opposition parce-que le patron a le droit de vie ou de mort sur toi (j’exagère à peine) et surtout, surtout, se faire bien voir par TOUT LE MONDE. J’en ai soupé de ça aussi.

Longtemps, j’ai été revancharde. Fille de parents qui ont le certificat d’études, il me fallait « réussir », avoir un emploi stable et ne surtout pas, comme eux, faire mes 40 heures par semaine pour un salaire de misère. Le travail a été mon obsession longtemps. Je vivais par et pour lui. Faire social a été ma mission. Celle qui donnait un sens à ma vie, celle qui me donnait un rôle social « important » à mes yeux. Erreur. J’ai tenté,comme j’ai pu, avec quelques moyens et au prix d’une énergie folle, de ramener vers l’emploi femmes et hommes souvent blessés et déconsidérés par la société.

Et puis, je ne savais pas vivre avec moi. Les instants « off » étaient une torture. Il y avait bien la lecture, les balades, quelques sorties mais ça ne me remplissait pas. Le travail oui. Il m’a fait prendre pas mal de kilos et me délester de mon énergie vitale aussi.

Aujourd’hui, je vis bien avec moi. J’aime ne rien faire, je me délecte de la contemplation : des arbres, des oiseaux, de mes montagnes, des fleurs, de la pluie. Rester plusieurs heures à lire ne me fait pas culpabiliser, de même que je ne me sens plus perdue face au silence. Plus je vieillis et mieux je vis en ma présence. Je ne me sors plus par les yeux. J’ai testé le collage un temps, puis la peinture de galets, je me suis mise au jardinage, je ne quitte plus mon appareil photo. L’écriture quant à elle, reste et restera ma béquille, ma plus fidèle compagne. Toutes ces petites choses mises bout à bout me font toucher du doigt qui je suis.

Un beau bureau, une mission éclatante, une mallette chic de maitresse d’école, des réunions… tout ça ne me fait plus rêver.  Je ne sais pas si je m’en fous mais je n’en suis pas loin. Il faut dire que mon emploi actuel est loin de répondre à mes attentes. Je ne lui ai pas encore donné mes couleurs, je l’occupe avec difficultés et de manière très extérieure. Je m’implique au minimum.

« L’autre » m’a épuisée ou plus exactement, je me suis laissée épuiser par lui.

La vie m’a rattrapée. Il faut se dépêcher de la vivre. Surtout maintenant…

Pourtant, il y a toujours chez moi ces soubresauts. Lorsque je dois animer une information collective ; les mots compétences et parcours professionnel ou encore formation tout au long de la vie (glurps) me font tendre l’oreille et me mettre au garde à vous. J’aime ça, je suis faite de ça : l’accompagnement de l’autre vers lui même, une part de lui en tout cas.

Peut être que c’est à mon tour maintenant….

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La part de lui

J’ai hésité longtemps, mis un temps fou (3 ans) à quitter mon travail.

Je ne supportais plus le poids de l’administratif dans mon quotidien, le regard inquisiteur de l’institution, le cadre étrangleur, les politiques iniques en matière d’emploi et certains de mes collègues aussi.

Je suis une personne d’habitudes. J’aime le ronron. Les mêmes horaires, les mêmes procédures, les mêmes repères. L’enfant en moi a besoin de cette musique rassurante.

J’ai fait le saut (que dis-je un pas dans le vide) pour casser ce qui devenait pesant, presque aliénant.

Et voilà que je regrette. Pas tout non, mais ce qui faisait que j’aimais envers et contre tout mon métier, l’image qu’il me renvoyait de moi. La maîtrise des process, une forme d’expertise.

Aujourd’hui, revenir au statut de débutante me fait trébucher. J’ai mis tant de temps à trouver ma place, j’ai travaillé dur pour l’obtenir et j’y ai laissé beaucoup de moi… Faire des erreurs, douter, ne pas savoir me renvoie au pied des marches. Un sentiment douloureux et déstabilisant.

Je ne m’attendais pas à cela.

C’est comme un retour en arrière. L’inconfiance qui vient me brûler de l’intérieur.

En cela, je reconnais mon père… Cette part de lui me gêne, tout autant que la situation je crois…

Je ne m’aime pas dans ce nouveau travail. Je n’aime pas le service que je rends, la place que j’occupe et la manière dont je le fais. Ce n’est pas moi, ce n’est pas non plus ce que je souhaitais faire.

Je ne recrute pas, je ne réfléchis pas à la compétence, je ne professionnalise pas dans les services, « j’administrative ».

Continuer, c’est renoncer. Continuer, c’est sécuriser…

 

Un mois déjà

Un mois d’une nouvelle vie, un mois de changements, d’étonnements, de tempêtes intérieures.

Un mois où il m’était impossible de venir ici, écrire, poser des mots, prendre du recul.

Je suis la spécialiste de la tête dans le guidon. Et quand je relève la tête j’ai un mois dans la vue.

En mars donc,

J’ai eu 41 ans. Un anniversaire fêté en trois fois, comme pour rattraper les  40 oubliés pour cause de mariage.

J’ai hésité. Est-ce que je reprends le blog, j’ai envie / pas envie, est ce que je quitte FB, j’ai envie, pas envie ? Finalement, je suis de retour ici et j’ai quitté FB.

Je n’ai cessé de relancer. D’anciennes amies, de vieilles connaissances pour reprendre un semblant de vie sociale. Mais je ne dois pas être douée, car personne n’a donné suite. Marri, j’ai nourri colère et rancœur…

J’ai oublié mon ancien travail (et mes anciens collègues) avec une facilité déconcertante mais ils se sont rappelés à mon bon souvenir. Comme si ça ne voulait pas. Comme s’il était impossible de couper ce lien. Un lien trop tout : trop serré, trop lourd, trop étouffant. Et c’est à propos de moi, une fois encore que les choses sont parties. Étonnamment.

J’ai calé mes prochaines vacances. En Islande. Je vais faire du mauvais esprit en écrivant qu’il y a peu de chances (peut être) qu’un avion saute, une salle de spectacle, des trains… Il y fait trop froid pour Daesh … Décidément, c’est vraiment du très mauvais esprit.

J’ai pris des décisions : parrainer une vache, me remettre à écrire, respirer par le ventre, vivre pour moi. Dans un mois j’aurais sans doute changé d’avis…

J’ai mangé. Beaucoup. Grossi. Beaucoup. As usual. Quand la peur, le stress et la colère prennent le dessus, c’est la bouffe qui gagne. Malgré la douleur, j’ai décidé (encore !) de faire dans la méthode Coué : assurer à mon corps que je l’aime de manière inconditionnelle.

J’ai renoué avec la culture que j’avais laissé de côté depuis un certain temps. Cinéma, concert, spectacle, achats de livres (trooooop)…

Il y a un fil conducteur à tout cela. Comme toujours. L’accompagnement. Ce besoin professionnel de créer du lien, d’apporter, transmettre à l’autre. C’est là, que je me sens utile. Et puis, dans ma vie personnelle, il y a cette persistante solitude. Elle signifie sans doute quelque chose mais je ne sais pas la lire, je ne sais pas transformer ce manque, cruel, en une force.

Un mois déjà… Et c’est comme si j’étais entrée dans une autre dimension, une autre vie.

Entrer dans la danse

J’ai vu  cette offre et j’ai pensé immédiatement qu’elle était faite pour moi.

En deux temps trois mouvements j’ai fait ma lettre, ajusté mon CV et j’ai envoyé le tout.

Quelques jours après j’ai regretté.

La peur.

La peur de quitter le connu (même pesant) pour une grosse machine de guerre, la peur de quitter mon équipe (même pesante) pour une grande équipe inconnue, la peur de délaisser mes connaissances, mes mécanismes, mes habitudes…

Puis le doute s’est insinué un peu plus chaque jour. Il a envahit tous mes pores, avant même que je sache si j’allais être retenue pour un entretien.

J’ai pris le parti de parler à ma peur, de faire avec elle, de la légitimer et j’ai pratiqué à haute dose l’EFT, j’en ai appelé à l’univers aussi.

Puis le coup de fil est arrivé, celui qui dit que tu es retenue et que ta compétence et ton parcours sont reconnus pour ce type de poste.

YEAAAAAAH

Et tandis que j’aurais du me réjouir, j’ai flétri.

Questionnements, remises en question. La totale. Je suis tellement forte en questionnements négatifs, en dénigrement. Je me suis préparée un tout petit peu, tellement incapable de me concentrer.

L’entretien, contre toute attente, s’est plutôt bien passé.

Parfois, l’avenir nous appelle et on est incapable de lui répondre.

Mais pour une fois, j’aimerais beaucoup prendre ce train là…

 

Les manques

Elle a 30 ans et en fait dix de moins.

Ses grands cheveux barrent son visage et pour nous parler, elle ne prend pas toujours la peine de les relever. Dommage, car ils cachent ses grands yeux.

Elle s’habille avec des vêtements très amples, baggy, toujours des baskets, toujours des tee shirts longs pour faire taire les nombreux tatouages qui peuplent ses bras et crient sa vie, ses croyances, ses attaches .

Son expérience est mince, des boulots par ci par là, trouvés par sa propre mère. Il y a près de 10 ans.

Une semaine après l’avoir rencontrée, elle était au boulot, une aubaine, un miracle. Certes, un contrat aidé, mais un CDD malgré tout.

Un bonheur pour elle. Celui de pouvoir dire à son enfant que Maman va gagner sa vie, Maman travaille comme les autres Mamans de l’école, Maman existe (enfin).

Car c’est une maman, c’est la première chose qu’elle dit d’elle. Son enfant est sa fierté, sa raison de vivre, son tout. Il y a bien eu le géniteur, un bref passage, puis un papa de cœur qui est parti. C’est cela qui l’a poussée à chercher du travail.

Les premières semaines se passent bien. Très bien. Les compétences sont là, elle tient les cadences, elle est précise, autonome sur son poste de travail. Les cheveux sont rangés dans une grande queue de cheval.

Un mois plus tard, l’employeur note de nombreuses absences, non justifiées, des frottements avec des membres de l’équipe. Elle s’énerve, s’irrite, pleure. On lui donne sa chance malgré tout, on passe l’éponge, car elle est moteur dans l’équipe.

Cinq mois plus tard, c’est la dégringolade, il faut la changer de poste, l’équipe ne la supporte plus, pas plus que son encadrant technique. On repart comme en 14, tout se passe pour le mieux. Elle est contente, plus apaisée, elle envisage l’avenir.

Puis rebelote. Elle n’arrive plus à l’heure, n’honore pas les RDV, ne va pas en formation, s’accroche avec ses collègues.

Aujourd’hui c’était le bilan final de ces quelques mois chaotiques, des mois où nous n’avons jamais cessé d’être présents et d’y croire. D’y croire plus qu’elle.

Alors que je dressais le tableau des constats, que je renvoyais à sa responsabilité, que je questionnais sur ce qui l’animait et  sur ces multiples sabordages, elle a pleuré.

Elle a pleuré en silence, de grosses larmes qui perlaient sur ses joues rebondies d’enfant, son regard implorait. Et finalement les mots sont sortis. Comme des plaintes, un lointain cri.

Le manque de reconnaissance, d’amour de soi, de confiance. La peur. De se lancer, de changer de vie, de réussir.

Elle m’a touchée bien sûr. Car ses mots, douloureux, pénétrants auraient pu être les miens. Je suis du bon côté de la barrière, j’ai un emploi, c’est vrai mais le doute est perpétuel chez moi, la confiance s’effrite souvent. J’ai malgré moi un réel besoin de reconnaissance, de la part de mes pairs (et de mes impairs…), de ma hiérarchie. Enfin, le besoin d’amour ne m’a jamais quittée. Aujourd’hui encore, il y a en moi cette enfant qui lutte pour panser ses plaies.

Mon job, c’est de poser le cadre, les règles, de ramener à la réalité. Pour autant, mon enfant intérieur a rencontré le sien…