Puissance & Magie

C’est si fort quand la Personne Accompagnée, après qu’elle a pu déposer auprès de nous (les accompagnants), ses mots, ses maux, ses pleurs, ses craintes, ses colères, change. Quand petit à petit les mots évoluent et deviennent plus sûrs, plus positifs pour parler de soi, pour évoquer la compétence. Quand le regard s’éclaire, quand le sourire se dessine plus souvent. Quand le projet prend forme et redonne confiance, redonne envie. J’aime mesurer les évolutions, lorsque de part et d’autre nous convenons que nous avons franchi toutes les étapes, atteint tous les objectifs. J’aime constater les progrès, pouvoir les renvoyer à l’Autre. Cette semaine, dans un collectif que j’anime, une jeune femme est intervenue. Sa reprise d’activité, après une pause parentale a été très difficile. Nos premiers RDV étaient ponctués de pleurs, de termes forts et négatifs pour décrire la professionnelle et en filigrane la maman. Il nous en fallut du temps pour recomposer le puzzle : poser l’identité professionnelle, rassurée la mère, identifier et objectiver les compétences, mettre en œuvre un plan d’action. Elle nous a informé qu’elle est recrutée dans une autre institution et qu’elle partira en janvier. Et puis (c’est là que mon cœur s’est serré), elle a montré au groupe comment chaque petits pas pour elle, construit au fil des RDV lui a permis de retrouver de l’énergie et de la confiance. Dans les toutes petites choses : chaque jour faire une chose pour soi ; relire sa journée et trouver 3 belles ou bonnes choses qui se sont produites pour soi ; aller regarder ce que j’aime, ce que je sais faire, ce qui m’inspire. Je crois profondément que la confiance, le regard bienveillant, les encouragements nourrissent, font grandir, renforcent et permettent de construire du positif pour soi et donc de réaliser ses projets et potentiellement ses rêves. Elle m’a bouleversée dans ses mots, dans cette nouvelle assurance, toute neuve, presque surprenante pour elle-même. J’ai aimé sa manière d’encourager les autres à prendre le temps de se découvrir, de mieux se connaitre et au fond, de s’aimer.  
 

Temps donné

Je cherche les secondes, celles qui me sont offertes pour me reconnecter à moi, pour me poser, me reposer. Elles sont rares, elles se cachent dans les interstices…

J’aime tant le silence de la campagne le dimanche matin, avoir ce sentiment qu’elle n’appartient qu’à moi, que nous faisons corps. Tout est cadeau. Les couleurs chatoyantes, les envols d’étourneaux, le ciel qui laisse passer de furtifs rayons de soleil. La vie est là, dans cet instant, parfait.

J’aime ces instants où tout s’efface. La perspective de la semaine à venir, chargée, compliquée sur certains sujets, les visites dans cet innommable CHU, le stress associé.

Le dimanche plus rien n’existe. Pas de mots prononcés, peu de bruits. Juste le temps qui s’égraine et me qui me laisse le loisir de me reconnecter aux petites choses. Infimes et belles.

Syndrome de glissement

Définition 

Le syndrome de glissement (en anglais sliding syndrome) est une décompensation rapide de l’état général, faisant suite à une affection aiguë qui est en voie de guérison et qui parait guérir. La personne semble refuser inconsciemment de vivre.

Nous en sommes là. Dans cet entre deux, sur la ligne ténue qui marque la séparation entre le vie et la mort. C’est un temps suspendu où chaque jour est une lutte contre la montre. Nous scrutons chaque verre d’eau bu, chaque cuillère à soupe avalée, chaque taux (et ils sont nombreux). Nous emmagasinons les moments, les secondes, les paroles prononcées, les sourires, les gestes.

Le médecin nous a dit, très pudiquement de « nous préparer ». Je ne le suis pas, je ne le serai sans doute jamais. Chaque jour est un jour gagné même si j’ai conscience qu’elle ne le souhaite pas. Continuer à vivre, comme ça, dans son lit, sans voir le soleil qui se lève, sans voir les arbres de son jardin, avec des jeunes femmes, plus jeunes qui moi qui l’aident pour tout. Se lever, s’habiller, se laver, aller au toilettes.

Je pense sans cesse à ce temps avec elle et à ce que sera notre vie, ma vie, sans elle. Cet après. Elle ne cesse de me dire qu’il faut que je profite. Mange (notre grand sujet commun) ! Sors ! Voyage ! Elle me rappelle chaque jour, de vivre, intensément.

Ce que ni elle ni moi n’avons fait jusque là…

Pourquoi je me lève

Pour  aller bosser. Retrouver mes collègues, accompagner, avancer sur des projets, faire des bilans d’accompagnement, essayer de me faire entendre, aller me confronter, apprendre, me dépasser parfois.

En ce moment, je suis réveillée entre 4 h 43 pour être précise et 5 h 15. Invariablement, à quelques minutes près. J’ai des valoches sous les yeux, une tête de déterrée. L’insomnie devient année après année une vieille compagne.

Je me lève pour contribuer mais parfois je ne sais plus, parfois je ne comprends plus et je désespère.