Un air d’Anny Duperey

La première fois que nous nous sommes vus, il m’a dit j’avais un petit air d’Anny Duperey. Il m’a demandé si je connaissais. Oui, « Un éléphant ça trompe énormément ». Il a eu l’air rassuré. Il était passionné de cinéma, passionné aussi par les actrices. « Les grândes actrices ».

A l’issue de cette première rencontre, il a décrété que j’étais une fille bien. Une fille sérieuse et solide (rapport à mon poids sans doute…). Plus tard, dans une tirade émouvante et amusante, il m’a assurée que je pourrais toujours compter sur lui, quoi qu’il se passe avec son fils.

Au bout de quelques années, lorsqu’il serait suffisamment en confiance, il balancerait sur sa belle-fille, mère de ses deux seuls et uniques petits enfants. Un peu plus tard encore, il irait raconter à la famille que je suis stérile (mais pas son fils). Il m’engueulerait au téléphone « tu n’appelles pas assez ! » . Il viendrait nous rendre visite pour un petit séjour, nous trouvant « vraiment fatigants ». Le jour de notre mariage, il nous ferait cadeau d’un petit quart d’heure de honte, lorsqu’il balancerait en plein repas, devant mes parents consternés et nos témoins médusés, que le mariage est inutile, couteux, hypocrite.

Un personnage mon beau-père. Colérique, théâtral, soupe au lait, tendre.

Il est décédé l’année de notre mariage et contrairement à ses habitudes, il est parti sur la pointe des pieds. Nous réunissant autour de lui, pour l’accompagner.

Curieusement, je pense souvent à lui.

J’honore son anniversaire en allumant une bougie et aussi à d’autres moments, lorsque j’ai besoin de me reconnecter. J’ai le sentiment, indicible, qu’il veille sur moi, qu’il n’est pas très loin.

Souvent, je me demande ce qu’il dirait, ce qu’il penserait de la situation. Ses fils qui n’ont quasiment plus de liens, sa belle-fille qui a coupé tout contact avec nous, les petits grandissants loin de nous, son fils, incapable de prendre des décisions.

Je crois que je sais. Il râlerait, il pesterait, il serait profondément désolé.

Je le sais parce que les étoiles me l’ont chuchoté…