Qu’est ce qui fait que je pourrais me mettre à table, à 18 h en rentrant du travail et m’enfiler à peu près tout ce que contiennent mes placards
Qu’est ce qui fait que lorsque j’ai fini de manger, j’ai encore faim et que je pense à la bouffe une grande partie de la journée
L’exigence, l’image dépréciée de moi, le manque (de mon mari, d’amis, d’amour, de reconnaissance ?)
Je me fais l’effet d’être une junkie. Qui a besoin de sa dose de sucre pour supporter un quotidien exécrable.
C’est vrai, j’ai un toit, de quoi manger justement, je suis en relative bonne santé, j’ai de quoi me vêtir et j’ai un foyer. Bien sûr que c’est vrai et parfois j’ai presque honte de cette opulence lorsque je croise, chaque jour, le dénuement des autres
Mais il n’empêche, le besoin coupable de me remplir, coûte que coûte est revenu comme un oiseau de mauvaise augure
Je sais ce que ça me dit, mon corps le sait aussi, victime discrète de ce cerveau qui ordonne les prises de poids puis les mises à l’épreuve drastique
Un adage dit « qui a bu, boira » en est il de même pour ce cercle infernal dans lequel je suis depuis des dizaine d’année
J’ai tout essayé. Mise à part la lobotomie je ne vois pas.
Comment fait on pour se remettre de ce qui a été enfant, de ce qui n’est plus adulte mais qui a creusé son sillon si profondément que chaque secousse revient remuer la boue encore et encore
Parfois, je surprends le regard des autres sur moi. Sur ce que je mange et je lis parfaitement ce qui s’imprime dans ces regards compatissants ou accusateurs, à la marge interrogateurs et je n’en mange que plus
Je suis ma victime et mon bourreau, ma sauveuse parfois mais une sauveuse qui encore une fois n’ai pas capable de se battre à armes égales.