Je les bouscule.
Quand je les questionne.
Avec mes réponses, avec mes propositions, dans les actions que je leur présente.
Quand je les reconnecte au réel.
A la question « Parlez moi de vous », ils ne savent que répondre tant ils ont une image dépréciée d’eux même.
A l’énoncé (un brin raidissant) « Décrivez moi votre parcours professionnel », ils se tassent, bafouillent, se rembrunissent.
Lorsque je demande « Quelles sont vos compétences », ils hésitent car ils sont intimement persuadés qu’ils ne savent plus faire.
Au piégeur, « Vous pouvez me donner quelques unes de vos qualités » : blanc, silence gêné.
Quand enfin j’arrive au « Décrivez moi une journée de travail ». Certains s’animent dans cette replongée de ce qui a été et qui n’est plus : un statut social, une utilité, la fierté du travail accompli, le sentiment d’appartenance à un groupe, la culture d’entreprise. D’autres au contraire s’écroulent. Il faut faire le deuil d’un emploi apprécié qu’on ne pratiquera plus.
Je les bouscule, avec mes exigences, mes attentes, mon regard parfois sans concession.
L’essentiel de mon travail consiste en cela aujourd’hui : revaloriser, redonner confiance, réinjecter sans cesse du positif, rassurer.
Il arrive (la plupart du temps) que le meilleur en sorte : un emploi retrouvé, une formation à suivre, des avancées personnelles.
Et de temps en temps, la perche que j’ai lancée se brise…
Un métier plutôt difficile….surtout que face à des gens qui vont mal, il n’est pas facile de tenir bon…
Le métier que j’ai choisi… passionnant parfois et de plus en plus souvent décourageant…
Le contexte économique le rend décourageant.
Garde foi en l’individu, c’est pas l’homme qui ne trouve pas de travail, c’est le professionnel.
Mais là est humainement la faille, là où une partie de soi a échoué et c’est la totalité de la personne qui chavire.
Soi que la société met en péril.
Mais certains prennent la perche pour rebondir.
J’admire ce courage et cette force qui m’avaient manqué lors des périodes d’inactivité.
Merci pour ton passage ici Christelle.
J’apprécie cette analyse très juste et le distingo que je ne cesse de rappeler entre « personne et professionnel ».
c’est le distingo auquel que j’ai été contrainte afin de survivre dans un univers qui a essayé de me broyer, (l’Éducation Nationale.)
C’est le distingo que je retravaille toutes les fois où c’est nécessaire mais ça nécessite une réflexion pour mobiliser les ressources..
Ce qui rend cela difficile c’est que lorsqu’il faut dynamiser la machine il faut faire face à une vilaine culpabilité, une image très moche , réactivée par le contexte présent, mais une affreuse image de soi fabriquée lors de l’enfance (lorsqu’on n’a pas grandi dans une douce enfance orangée). J’ai enfin pu affronter le monde professionnel lorsque j’ai un peu réparer cette vilaine image.
En tant qu’insti, je dois maintenant séparer ce que je renvoie, ce que je réveille et ce que je suis réellement!
Comme j’aimerai arriver à un tel suivi ! Hélas là où je bosse on ne fait que de l’enfumage….
Merci Moune pour votre passage ici. Là où je travaille, les clients sont des accompagnés et l’agence une structure. Ce qui, sans doute, marque des différences.
C’est un très beau travail…
Redonner confiance.
Je suis certain que cela laisse un impact fort dans la personne. Même si les apparences peuvent être différentes…
Comme dit l’adage : celui qui sème ( Ici, de la confiance…) est rarement celui qui récolte…
Roooh, voilà de biens beaux mots Alain, qui viennent me réchauffer un peu. Merci 🙂
J’aime comme tu parles de ta profession… 🙂
C’est « drôle » parce que pas moi. Je suis proche de la culpabilité…
Des pensées :))